La cohésion nationale au Tchad : Un mythe à transformer en réalité
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Jan. 14, 2025, 2:22 p.m.
La cohésion nationale au Tchad : Un mythe à transformer en réalité
Monsieur le Président du jury,
Madame, monsieur du jury,
Mesdames, messieurs, honorable auditoire ; c’est un plaisir que de prendre la parole à cette occasion singulière pour prêter ma voix à la défense d’une cause aussi cruciale et préoccupante qu’est la cohésion nationale ;
Monsieur le Président, madame, monsieur, à la question de savoir si la cohésion nationale est-elle un mythe au Tchad, je réponds par l’affirmative, car les réalités quotidiennes sont là pour en témoignent amplement ;
Avant d’y arriver, permettez-moi de revenir un tant soit peu sur la notion même de la cohésion nationale ;
Nonobstant qu’elle est un principe essentiel à la stabilité socio-politique et économique d’un Etat, la cohésion nationale peut être appréhendée comme le sentiment d’appartenance à un espace commun, caractérisé par des comportements qui tendent à assurer une vie en commun paisible entre les membres de cet espace sous la garantie de l’Etat ou de l’entité dirigeante ;
Dès lors, on peut psalmodier d’une même voix que la cohésion nationale constitue le socle de la vie sociétale sans laquelle aucune stabilité n’est envisageable ;
D’ailleurs, a cet égard, conscient qu’aucune société humaine, digne soit-elle n’a été mise sur pied que si ses membres cultivent l’esprit de cohésion sociale, le peuple Tchadien, a, à travers le préambule de sa Constitution, loi fondamentale affirmé et rappelé son intention de vivre ensemble en ces termes:
« Nous peuple Tchadien, Affirmons par la présente Constitution notre volonté de vivre ensemble dans le respect des diversités ethniques, religieuses, régionale et culturelle ; de bâtir un Etat de droit et une nation unie, fondée sur les libertés publiques et les droits fondamentaux de l’Homme, la dignité de la personne humaine, le pluralisme politique et les valeurs africaines de solidarité et de fraternité » ;
Monsieur le président, mesdames, messieurs, honorable auditoire, si telle est la volonté affirmée, consacrée et codifiée du peuple Tchadien de vivre en parfaite cohésion, dans une diversité ethnique, culturelle et religieuse et dans un territoire vaste qu’enclavé, triste est de constater cependant que cette volonté n’est pas traduite dans les faits et la vie quotidienne des tchadiens ;
Oui, la cohésion nationale est un mythe au Tchad, car ;
Comment peut-on parler de cohésion nationale quand certains tchadiens se prennent pour des supers citoyens et croient qu’ils sont intouchables ?
Comment peut-on parler de cohésion nationale lorsque l’armée appartient à un groupe ethnique, laquelle armée est prête à bafouer toutes les valeurs républicaines et les lois pour défendre les intérêts partisans de cette ethnie ?
Monsieur le Président, mesdames, messieurs, pensez-vous qu’on peut parler de cohésion nationale quand il n’y a pas de justice et l’égalité entre les citoyens tchadiens ?
Peut-on parler de cohésion nationale lorsqu’un groupe ethnique s’accapare des richesses du pays au détriment du reste de la population ?
Peut-on parler de cohésion nationale quand une minorité des tchadien vit dans l’opulence et se moque royalement de la pauvreté et de la misère des autres tchadiens ?
NON, car il ne peut y avoir cohésion nationale que si l’Etat garantit à tous les citoyens tchadiens leur droit d’accès à l’éducation et à une santé de qualité ; le droit de vivre dignement dans la justice et l’égalité ;
D’ailleurs c’est ce qui est consacré par la Constitution Tchadienne en son article 5 qui dispose que « La République du Tchad reconnaît et garantit l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion, politique ou de position sociale. Elle a pour fondement la séparation de l’Etat et des religions ».
L’Etat qui est censé mettre en place une politique de cohésion Nationale fondée sur la justice et l’égalité s’érige malheureusement en acteur de politique anti-cohésion à travers des actes et des décisions pris au quotidien, conduisant tous les jours un peu plus le peuple Tchadien à la dérive ;
La cohésion Nationale au-delà d’être un impératif moral pour les citoyens est également une obligation légale pour l’Etat car il est dit à l’article 9 de la constitution que : « L’Etat a le devoir d’assurer la sécurité de chaque citoyen dans le respect de sa dignité » ;
Comme obligation légale, point n’est besoin de démontrer que l’Etat a failli ; En effet, la gabegie, les nominations basées sur des considérations ethniques et communautaires, les impunités, les injustices sociales sont monnaie courante dans notre pays;
Comme impératif moral, la cohésion nationale est mal et très peu comprise de nos compatriotes. Les divisions ethniques, culturelles, communautaires et religieuses ne sont plus un secret pour personne que notre pays. Nous le savons certaines ethniques se croient meilleurs que d’autre, se moquent des traditions et des rites des autres et j’en passe……..;
Les musulmans pensent que leur religion est meilleure que celles des chrétiens ; Et même dans le camp des chrétiens, les protestants croient que leur façon de prière Dieu est meilleure que celle des catholiques ;
En même temps que peut attendre d’un pays qui compte plus d’une centaine de langue et d’ethnies pour une population de moins de vingt millions d’habitants ? ;
Je suis conscient que ma plaidoirie peut susciter la réaction de l’auditoire, peut-être parce qu’il n’appréhende pas les choses de la même façon que moi;
C’est un sujet brulant, certes, mais en tant jeune tchadienne, c’est un devoir de génération que de dire tout haut les murmures et frustrations du peuple qui n’a que trop subi ;
Pour reprendre la célèbre citation de l’écrivain Aimé Césaire : « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir » ; car me taire, ce serait trahir mon devoir de génération
Monsieur le président, mesdames, messieurs, honorable auditoire, qu’il me soit permis de finir ma plaidoirie sur un message d’espoir ;
Oui, l’espoir est permis, car je suis intimement persuadée qu’il est possible de changer le cours de notre destins commun ;
Si la cohésion nationale est un mythe, il nous appartient à nous tous ici présent d’en faire une réalité, n’est-ce pas dit ton que vouloir c’est pouvoir ?
Le Rwanda n’a-t-il pas surpassé le Génocide de 1994, sans nul doute l’un des massacres les plus meurtrier de l’histoire de l’humanité, orchestré par les rwandais contre les rwandais pour devenir aujourd’hui un peuple uni en parfaite cohésion ?
Cependant pour y parvenir, l’Etat doit :
Revoir ses pratiques discriminatoires ;
Mettre en œuvre des politiques publiques inclusives basées sur l’égalité ;
Garantir une justice impartiale et une réconciliation nationale.
Ce n’est qu’à ces conditions que l’Etat jouerait pleinement le rôle qui est le sien, celui de garant de la cohésion nationale.