Merci Monsieur le Président de me donner la parole.
Je suis Maître Fatimé Ali Ouani, Avocate au Barreau du Conciliabule. Monsieur le Président,
Honorables membres du tribunal, Chers confrères,
Distingués invités,
L’honneur m’échoit de plaider devant votre auguste formation, un dossier d’actualité mais, tellement sensible qu’il faille diluer mon verre pour ne pas heurter le commun des mortels.
En effet, ma thématique est axée sur la « relation franco-tchadienne et la diversification des partenaires internationaux ».
Si mes souvenirs sont exacts, Eh bien ! il y’a de cela quelques jours, l’opinion nationale et internationale ont jubilé à la suite d’un communiqué
publié par le Ministre des Affaires Etrangères du Tchad dénonçant un quelconque Accord militaire qui existerait entre le Tchad et la France.
Le comble Messieurs du tribunal, c’est que tout le monde a délibérément décidé d’occulter la précision faite par la Ministre des Affaires Etrangères quant à la poursuite des relations diplomatiques entre ces deux nations.
Je voudrais donc profiter de cette barre pour recadrer certains faits et moyens de droit allégués à charge contre la France afin d’éclairer les lanternes sur la relation franco-tchadienne et les défis de diversification des partenaires internationaux ; car il ne s’agit pas seulement de protester mais aussi, de dresser et d’apprécier objectivement le bilan de ces années de partenariat Tchad – France.
En effet, nul besoin de rappeler que le Tchad entretient depuis des lustres une relation historique avec la France, marquée par des liens politiques, militaires, économiques et sociaux-culturels.
Cependant, pour lever définitivement l’équivoque sur les spéculations infructueuses, il y’a lieu de s’interroge sur les modes d’extinction des relations inter-étatiques d’une manière générale.
Autrement dit, si certains partenaires du Tchad à l’instar de la France, ont su adapter leurs actions pour répondre aux enjeux politiques, militaires, économiques, et socio-culturels du Tchad, est-ce un crime de lèse- majesté ?
Il sied de noter que cette approche contentieuse est une pente glissante à éviter.
A titre de rappel, l’on ne devrait pas perdre de vue que, depuis l'indépendance du Tchad à ce jour, la France a été un acteur clé dans le soutien à la stabilité du Tchad, notamment lors des conflits internes, avec des interventions militaires à travers des structures comme l'Opération
Barkhane en 2014, l’Opération Épervier en 1986, la lutte contre les Boko Haram même si cette relation, fondée sur des accords de défense et autres, a permis à la France de maintenir une position stratégique non seulement au Tchad mais aussi, en Afrique centrale.
En outre, les relations franco-tchadiennes sont également visibles dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle. Des écoles françaises, des établissements d’enseignement supérieur, ainsi que des programmes de bourses et de formations techniques sont mis en place pour soutenir le développement des compétences des jeunes tchadiens.
D’ailleurs, il est à noter que l’une des langues officielles du Tchad est le français et partant, constitue un atout majeur de communication.
Cependant, il serait réducteur de considérer les relations franco- tchadiennes comme étant unilatérales.
En effet, le Tchad, avec ses ressources naturelles (pétrole, minerais, etc.) et ainsi que son potentiel agricole, représente un marché attractif pour les entreprises françaises et bien d’autres Etats. Toutes ces richesses mise en avant traduisent donc la contrepartie, sinon l’apport du Tchad car la présence croissante de sociétés françaises dans des secteurs variés au Tchad comme l’énergie, l’agriculture, l’industrie et les infrastructures ne saurait prouver le contraire.
Mieux, force est de rappeler que très récemment, Les Compagnons tchadiens de la Libération durant la Seconde Guerre mondiale au côté de la France ont été honoré par le représentant de l’Ambassade de France au Tchad en date du 8 au 13 juillet 2022 sis au Musée National du Tchad.
Ainsi, l'intervention des militaires tchadiens à la libération de la France et l’accessibilité par cette dernière aux ressources naturelles du Tchad
établissent incontestablement l’apport du Tchad dans cette relation qui le lie à la France.
Fort de tous ces éléments factuels, l’on serait donc en droit de réclamer la bilatéralité du partenariat qui existe entre ces deux nations.
S’agissant des moyens de droit, l’article 1er alinéa 1 de la Constitution du Tchad dispose :
Au regard de cette disposition de la Constitution du Tchad et des textes qui encadrent les relations internationales d’une manière générale, il convient de noter que l’Indépendance et la Souveraineté du Tchad sont juridiquement consacrées et nul ne saurait les violer.
En droit, méconnaitre l’Indépendance et la Souveraineté d’un Etat constituerait une violation grave d’une obligation conventionnelle pouvant fonder la résiliation ou rupture des relations inter-étatiques ; car ces genres de relation sont strictement encadrées par le principe de la liberté contractuelle.
Concrètement, l’intensification, l’ingérence et l’omniprésence de la France dans les affaires internes de l’Etat tchadien offre matière à débat quant à l’effectivité de l’Indépendance et de la Souveraineté de celui-ci.
Suivant les dispositions de l’article 1er de la Constitution sus évoquées, il convient de repondre par l’affirmative, seulement en ce sens que le Tchad est libre de se tourner vers d’autres Etats du monde entier pour diversifier
son partenariat. Cependant, aucun partenaire n’est en droit d’exiger du Tchad une exclusivité partenariale.
D’ailleurs, force est de constater que le Tchad a progressivement diversifié ses partenaires internationaux au-delà de la France. Des pays comme la Chine, les États-Unis, les Émirats Arabes Unis et la Turquie jouent un rôle de plus en plus important dans l’économie tchadienne, en particulier dans les secteurs des infrastructures et des investissements.
La Chine, par exemple, est un partenaire clé dans le financement de grands projets d’infrastructures, tels que la construction de routes et de centrales électriques à l’exemple de la construction du stade de Mandjafa etc.
Tout porte donc à croire que le Tchad, acteur diplomatique clé dans la région sahélienne, cherche simplement à renforcer ses relations avec d'autres puissances globales pour diversifier ses soutiens et garantir sa stabilité.
En revanche, vous êtes sans ignorer que la montée en puissance de pays comme la Chine et la Russie dans la région a complémentent modifier les équilibres diplomatiques et stratégiques du monde ?
A ce titre, le Tchad se doit de naviguer habilement entre ses relations avec la France et ses nouvelles alliances internationales.
Par ailleurs, il convient de retenir que l’ouverture accrue du Tchad à de nouveaux partenaires ne se limite pas à une simple question de diversification stratégique. Non Honorables membres du tribunal, cette ouverture a des implications profondes sur l'économie tchadienne en ce sens qu’elle permet au pays d’obtenir des investissements nécessaires pour son développement.
Monsieur le Président,
Nous ne nous érigeons pas en donneur de leçon, mais simplement en plaignant qui exprime les douleurs d’un cœur meurtri et surpris par le pari péri d’une population émotive réduite aux spéculations.
Alors ouiii……l’heure n’est plus à l’émotion !
Arrêtons donc pleurnicher en tenant des propos peu orthodoxes tels que
:
Juridiquement, et vous le savez très bien, ces propos n’auront aucune incidence sur le mécanisme d’extinction des relations inter-étatiques. Croyez-moi, dire non à la France ne changera nullement la situation politique, économique et sociale du Tchad.
Et, se tourner vers d’autres Maîtres n’est non plus la solution idoine.
Le réel enjeu à surmonter c’est de parvenir à une stratégie diplomatique équilibrée qui permettra au Tchad de réaffirmer son Indépendance et sa Souveraineté tant sur le plan régional qu’international.
En tout état de cause, il convient de noter que cette stratégie doit nécessairement passer par le changement de paradigme et des mentalités en interne ; car dit-on que la charité bien ordonnée commence par soi-même !
Je vous remercie.